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Propriété de siciliens redoutables – et membres de la Cosa Nostra – l’incroyable territoire de San Giuseppe Jato fait partie des biens de la Mafia saisi par l’État et réhabilité. Il s’agit aujourd’hui d’une destination en plein essor, idéale pour les voyageurs en quête d’authenticité, de paysages époustouflants et d’art de vivre italien. Mais c’est aussi le siège de Libera Terra, une association luttant activement contre la mafia et exploitant les ressources du terroir italien de façon écologique et responsable.
A l’âge de 22 ans, le jeune Alexis de Tocqueville voyagea en Sicile et se rendit dans cette petite ville, derrière les collines :”Quelle surprise, après avoir marché huit ou dix heures dans l’isolement le plus complet, d’entrer soudainement dans une ville de vingt mille habitants, sans route ni aucun bruit pour annoncer votre arrivée“. Aujourd’hui, les choses ont un peu changé et une heure suffit au départ de Palerme pour rejoindre San Giuseppe Jato. La ville semble apparaître de nulle part derrière les collines.
Francesco Galante et le mouvement Libera Terra – un réseau de coopératives et d’organisations sans but lucratif qui luttent contre la mafia – en ont fait leur base et leur terroir. Cette bande d’agronomes, d’ouvriers et d’étudiants bénévoles se retrouvent volontiers autour d’un bon espresso lorsqu’ils s’accordent une petite pause dans leur projet remarquable : construire un sanctuaire de tourisme responsable sur les terres de la Cosa Nostra saisies par l’État ! Ils parcourent la Sicile entière et en exploitent ses vignobles, ses fermes, ses champs et ses maisons d’hôte de façon éthique et biologique.
Francesco Galante gère la production de vin sous le nom de sa marque Centopassi. “Vous ne pouvez pas voir la mer, mais elle est juste derrière la montagne” explique-t-il dans son vignoble, situé à 5 minutes de San Giuseppe Jato. Un endroit où le sol est si rouge au soleil qu’on le prendrait pour la surface de la planète Mars et les raisins minuscules sont presque prêts à être cueillis.
Avant Francesco Galante, le propriétaire n’était autre que le boss de la mafia, Giovanni Brusca. A cette époque, les affaires n’étaient pas des plus « propres ». Dans le milieu des années 1990, par exemple, Brusca punit un renégat en ordonnant d’assassiner son fils de 11 ans. Le cadavre du garçon fut dissout dans une cuve d’acide… Mais ces temps-là sont révolus ! Galante veut, à présent, cultiver ses champs pour produire des saveurs qui rivaliseront avec les meilleurs vins du monde. A l’extrémité de chaque rangée de vignes, on peut admirer de jeunes et beaux rosiers « ils contractent les maladies avant les vignes » explique Francesco Galante. Si les roses changent de couleur, c’est qu’ils ont attrapé un champignon. Voici-là un système d’alerte œnologique bien plus élégant et naturel !
Une nouvelle cantine, avec des poutres en bois apparentes et des sièges à l’extérieur, accueille les touristes et exporte jusqu’en Suisse, au Royaume-Uni ou encore à New York et au Japon.
Le nom Centopassi (“cent pas”) s’inspire du célèbre Giuseppe “Peppino” Impastato. Un jeune communiste remarquable qui lutta contre la mafia au prix de sa vie puisqu’en 1978, il fut assassiné sur une voie ferrée et dynamitée. « Cent pas » séparaient la maison des Impastato à celle de Gaetano Badalamenti, le boss de la mafia.
Plus de 1.600 syndicats, coopératives, associations environnementales et de défense des droits de l’homme font partie de Libera Terra, mais l’on compte aussi des écoles et d’excellents B&B, comme l’agritourisme Portella della Ginestra degli Albanesi. Située près de Piana, la propriété appartenait au père du célèbre Giovanni Brusca. Ce fut la première villa de la mafia à être convertie par Libera Terra en une maison d’hôtes. En 2005, elle ouvrait ses portes aux touristes venant du monde entier.
De délicieux repas sont préparés par des chefs cuisiniers Libera Terra avec des ingrédients locaux (d’excellents cannoli avec la ricotta sicilienne notamment, et des petites bouchées aux fromages et légumes du domaine – sans oublier les pâtes et les charcuteries traditionnelles !). On les apprécie avec un bon verre de vin Centopassi dans le calme de la campagne sicilienne, au sommet d’une jolie colline.
Un autre B&B de Libera : l’Agriturismo Terre de Corleone au plus profond de la campagne, au plus proche des territoires mafieux. Le site est très grand avec suffisamment d’espace pour célébrer un mariage. On y accède par une route sinueuse et raide, parfois traversée par d’énormes serpents noirs. Une vipère peut-être ?
L’agritourisme est à quelques kilomètres d’une ville « infâme » : celle de Corleone. Les vieillards sont assis sur des bancs, le long des rues sinueuses et vous regardent avec leur chapeau traditionnel – celui que l’on retrouve dans les films de Coppola. Dans les magasins, on vend même des affiches d’Al Pacino et de Marlon Brando.
Libera Terra possède un local, dans une petite rue parallèle. Les enfants y écoutent le témoignage des familles de victimes de la mafia mais on peut aussi y acheter le vin Centopassi et autres produits des coopératives du groupe. Le bâtiment appartenait à Bernardo Provenzano, le dernier Capo dei tutti capi (“le boss des boss”), qui a été capturé en 2006.
Mais l’omertà est toujours très forte dans cette ville et les langues ne se dénouent que difficilement lorsqu’il s’agit de la Mafia. Certains prétendent encore qu’elle n’existe pas… Et peut-on tenir une conversation sur quelque chose qui n’existe pas ? Inutile d’essayer !
Infos pratiques :
Site web Libera Terra : liberaterra.it
Site web Cento Passi : centopassisicilia.it
Agritourisme Portella della Ginestra
C/da Ginestra SP 34 Km 5 Piana degli Albanesi
Tel : + 39.091.857.4810 Fax: + 39.091.8579541 / Mail: portelladellaginestra@liberaterramediterraneo.it
Web : agriturismoportelladellaginestra.it
Agritourisme Terre di Corleone
C/da Drago SS118 km 25+100
Tel : +39.333.7993.291 / Mail : terredicorleone@liberaterramediterraneo.it
Web : agriturismoterredicorleone.it